Le réchauffement climatique menace une couche protectrice de nuages
Surplombant les océans, les nuages de basse altitude refroidissent l'atmosphère en réfléchissant les rayons du soleil vers l'espace. Mais un triplement de la concentration de CO2 dans l'atmosphère pourrait les faire disparaître et faire grimper en flèche le thermomètre, avertissent lundi des scientifiques.
Les stratocumulus couvrent environ 20% de la surface des océans dans les zones tempérées du globe et se trouvent en particulier dans les parties Est des océans, par exemple le long de la Californie, du Mexique et du Pérou.
Leur disparition entraînerait un réchauffement "d'environ huit degrés Celsius, qui s'ajouterait au réchauffement climatique provoqué par la hausse de la concentration des gaz à effet de serre" due aux activités humaines, avertit l'étude.
"Nos résultats montrent qu'il existe des seuils de changement climatique dangereux dont nous n'avions pas conscience" jusqu'alors, explique à l'AFP Tapio Schneider, chercheur au Jet Propulsion Laboratory de la Nasa à Pasadena en Californie, et principal auteur de l'étude.
Une augmentation des températures de cet ordre entraînerait une fonte de la glace dans les pôles et une montée des océans de dizaines de mètres, au-delà des capacités des humains à s'adapter, avertissent les scientifiques.
La Terre n'a pas connu un tel climat depuis le début de l’Éocène (-53 à -48 millions d’années), quand la température moyenne était plus élevée d'environ 12 degrés et que des crocodiles peuplaient l'Arctique.
Le réchauffement climatique en cours, de 1°C par rapport à l'ère préindustrielle, entraîne déjà son lot de sécheresses, inondations, cyclones... La concentration de CO2 a augmenté au cours de cette période de près de 45% pour atteindre 410 parties par million (ppm).
L'accord de Paris sur le climat de 2015 vise à limiter le réchauffement à +2°C, idéalement +1,5°C.
Se basant sur une modélisation de l'évolution des nuages, les chercheurs ont déterminé que la couche protectrice de nuages pourrait se rompre si la concentration de CO2 atteint 1.200 ppm, bien que le point de bascule puisse être un peu plus élevé.
Si l'humanité poursuit ses activités au rythme actuel, "le niveau de 1.200 ppm sera franchi en 2104", indique à l'AFP Malte Meinshausen, directeur du Climate and Energy College de l'université de Melbourne, se basant sur une étude à venir.
Une autre source d'inquiétude est que le réchauffement climatique causé par les activités humaines entraîne en plus la libération de CO2 et de méthane aujourd'hui contenus dans des milieux naturels comme le permafrost (des sols gelés toute l'année) mettant à mal les efforts réalisés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Eocène:
Cette étude pourrait aussi résoudre un mystère de longue date entourant l'Éocène.
Selon les modélisations climatiques utilisées jusqu'à présent, les niveaux de CO2 auraient dû s’élever à plus de 4.000 ppm pour expliquer les températures de cette période pré-historique, quand des échantillons géologiques font état de concentrations 25 à 50% moins élevées.
Ce niveau de 1.000 à 2.000 ppm correspond précisément, selon cette nouvelle étude, à celui où les nuages disparaîtraient, faisant grimper le mercure jusqu'à 8°C supplémentaires.
"Un pic de chaleur causé par la perte de la couverture nuageuse basse pourrait expliquer l'apparition du climat très chaud de l'Eocène", a dit M. Schneider.
Cette étude pourrait aussi aider à combler un trou béant existant dans les modèles climatiques actuels.
La manière dont laquelle ces nuages au dessus des océans des zones tempérées vont réagir au changement climatique est une des grandes incertitudes dans les prévisions.
Les nuages sont dans l'ensemble "passés à travers les mailles du filet" de la modélisation informatique, pour des questions d'échelle, selon M. Schneider. "Le maillage pour les modélisations climatiques est de l'ordre de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de kilomètres", trop large pour prendre en compte les nuages, explique-t-il.
Les scientifiques ont résolu le problème en créant un système de modélisation plus fin.
(AFP)